lundi 6 juillet 2009

Promenade bruxelloise – épisode 3

(photo de l'auteur)


Oui bon, je triche un peu ! Ce n'est pas à Bruxelles que je vous emmène aujourd'hui mais à 50 minutes de train de là, à Charleroi, pour une visite du Musée de la Photographie et de l'expo Wendy Watriss & Frederick C. Baldwin - Looking at the U.S. 1957-1986. Celle-ci est terminée mais j'aimerais tout de même revenir dessus brièvement.

Logé dans un ancien carmel à l'architecture de briques rouges et d'arcs brisés néo-gothiques, le musée a fait l'objet récemment de travaux qui lui ont adjoint une nouvelle aile d'un style très contemporain, faite de verre, de béton et de métal. L'accrochage des collections fait écho à cette dualité en proposant une division en deux grandes sections ; la photographie des XIXème et XXème siècles prend place dans le carmel tandis que les collections plus contemporaines sont accueillies dans la nouvelle extension.


(photo de l'auteur)


Couvrant 170 ans d'histoire de la photographie, depuis ses débuts en 1839 avec l'invention du daguerréotype jusqu'aux créations les plus récentes, l'accrochage permanent permet de découvrir le médium au travers des plus grands noms, tout en faisant une place de choix aux photographes belges. La collection d'appareils est quant à elle abritée par la galerie entourant le cloître. Pour les passionnés de photo, c'est génial. On retrouve au fil du parcours bon nombre de clichés ultra célèbres - portraits de Cameron, compositions surréalistes de Maurice Tabard, instantanés d'Henri Cartier-Bresson, pour ne citer que quelques exemples – et aussi de jolies surprises en la présence d'oeuvres moins évidentes. La section pictorialiste est particulièrement riche, et reflète l'importance historique qu'ont eu les Photo-clubs belges au sein de ce courant au tournant du siècle. Bref, la collection est très belle et vaut vraiment le coup d'oeil.


(photo de l'auteur)


Là où je suis plus circonspecte, c'est quand je me mets à la place d'un visiteur découvrant l'histoire de la photo et que je me penche d'un peu plus près sur les textes qui jalonnent le parcours et sur le matériel pédagogique mis à disposition. Pour les enfants, pas de problème, toute une section ludique permet de découvrir et d'expérimenter le fonctionnement technique de la photo et même d'appréhender ses grandes problématiques comme la retouche ou l'usage médiatique. Non, là où il y a un souci, c'est quand il s'agit de la médiation auprès du public adulte. Seuls deux textes, assez courts, introduisent les deux grandes sections (XIXème et XXème siècle), et quelques brefs topos sur les avancées techniques ou les courants artistiques rythment la visite. Et malheureusement aucun audio-guide à disposition pour combler les manques. Ce qui me dérange le plus je crois, c'est que cette quasi absence de discours autour des images entretient cette apparente transparence de la photographie ; comme si le sens se faisait jour directement, sans qu'il y ait matière à questionnement. Comme si le fait que la photographie soit un enregistrement direct et mécanique des choses impliquait qu'on l'appréhende sans sourciller, qu'on la comprenne sans même la déchiffrer, qu'on se fie à elle comme à ce qu'imprime notre rétine.


Frederick C. Baldwin, Family decorating cars, Pooler, Georgia, 1957


C'est un peu cette même utopie que poursuivent Wendy Watriss et Frederick Baldwin, photographiant inlassablement les Etats-Unis des années 50 aux années 80. L'exposition retrace tout d'abord le travail mené en solo par Baldwin sur le Ku Klux Klan dans les 50's et sur le mouvement des droits civiques et le révérend Martin Luther King dans les 60's. Par la suite, le couple entreprend une exploration à vocation sociologique de l'Amérique au travers de sa population, tentant d'en retranscrire l'immense diversité. L'humain est encore et toujours au centre du travail de Watriss lorsqu'elle réalise son célèbre et poignant reportage sur les soldats victimes de l'agent orange lors de la guerre du Vietnam. Mais en réalité, ce qui retient le plus mon attention c'est cette volonté des deux photographes de co-signer toute la série de clichés qu'ils réalisent ensemble au Texas, dans l'optique d'écarter ainsi tout débat sur le style de l'un ou de l'autre, d'éliminer toute possibilité de comparaison. Comme si leurs individualités se dissolvaient au profit d'une plus grande objectivité et que le champ était ainsi laissé libre au spectateur de recevoir l'image sans questionnement, sans passer par le filtre d'une quelconque esthétique, ou même d'un point de vue. Est-ce vraiment possible ?



Wendy Watriss & Frederick C. Baldwin, German American farmers, central Texas, 1973

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