Stanley Greene, Chalklines.Cette année,
le festival de photo lillois porte son regard vers l'Est avec pas moins de 25 expositions au programme. La sélection est éclectique puisqu'elle mêle photographes issus de l'ancien bloc soviétique et photographes occidentaux. Tchèques, Slovaques, Géorgiens, Lettons, Slovènes, et une grande majorité de Polonais côtoient sur les cimaises la production récente de photographes français, suisses, allemands et américains. L'enjeu annoncé est simple : tirer de cette diversité de regards, qu'ils soient étrangers ou familiers, une vision kaleïdoscopique de cette Europe de l'est que l'on pense si bien connaître. Alors, promesses tenues ?
Je ne vais pas faire durer le suspens et je le dis tout net, j'ai été un peu déçue par cette édition du festival. La dernière fois que je m'y étais baladée, c'était en 2005 et j'avais adoré.
Le commissariat d'Anne de Mondenard avait fait des merveilles : entre Depardon, Roversi et Ristelhueber j'en avais pris plein les yeux. Cette année, l'édition s'est dotée d'un illustre parrain en la figure de Stanley Greene, mais voilà, je n'y ai pas trouvé mon compte.
La journée avait pourtant pas mal commencé avec la visite de l'expo
Grégoire Eloy. Très marquée par l'influence de son maître Stanley Greene,
Wisowa est une série dotée d'une indéniable poésie, même si parfois les effets de style un peu trop faciles agacent. Je préfère de loin ses photos moins travaillées dont l'aura mélancolique me rappellent
Koudelka.
Grégoire Eloy, Wisowa.Difficile d'ailleurs de ne pas avoir à l'esprit le photographe tchécoslovaque et son célèbre
reportage sur les Gitans en découvrant la programmation lilloise. Pas moins de 3 expos sont en effet consacrées aux Roms :
Dominique Secher avec
Romanès, Antoine Sude avec
Roms, porte de Valenciennes, Lille et Yves Leresche avec
Roma Realities. Malheureusement je ne suis pas convaincue que cette multiplication des points de vue apporte grand chose au sujet en l'occurrence. Au contraire, les redites plombent l'ensemble, lassent et exacerbent l'impression de cliché ( et pas au sens photographique du terme). C'est vraiment dommage parce que je suis convaincue que chaque travail, présenté indépendamment des autres, aurait pu se défendre.
Yves Leresche, Roma Realities.
En prenant un peu de recul sur l'ensemble de la programmation, je me rends compte que deux attitudes se profilent, se complétant tout autant qu'elles s'opposent. Et une évidence se fait jour : il y a un fossé entre le point de vu que l'on adopte en tant qu'étranger et le regard que l'on pose sur les choses qui nous sont familières. Ca m'a particulièrement frappée au Tri Postal, en découvrant le collectif polonais
Photo-Shop, et particulièrement l'expo
Zuza Krajewska & Bartek Wieczorek, qui prend un tournant clairement revendicateur par le biais de la provocation. Un coup de poing pareil ne pouvait venir que de l'intérieur. Il est clair qu'à l'est, la libération des moeurs reste à faire et qu'elle a même un caractère d'urgence quand on considère la récurrence du thème. Qu'il s'agisse de
Dita Pepe, qui compose un portrait cynique de la femme au sein du foyer (rappelant par certains aspects
Cindy Sherman), de Bartek Wieczorek, d'
Oiko Petersen ou encore de
Tomasz Rykaczewski concernant l'homosexualité et la transsexualité, le combat contre les stéréotypes est lancé.
Oiko Petersen, Guys. From Poland with love.
Dita Pepe, autoportrait.
Sur l'autre versant, les photographes occidentaux n'ont pas nécessairement un regard plus distancié ou moins engagé, mais l'approche est très différente. Et l'appel de la nostalgie est souvent le plus fort, avec cette tendance à photographier les choses alors qu'elle sont en train de disparaître. Je pense là en particulier à
Jesus and the cherries de
Jessica Backhaus, aux
Chemins de traverses de François Daumerie et à
Mer(s)noire(s) de Florence Lebert. Difficile d'ailleurs, à propos de cette dernière, d'éviter la comparaison avec le travail récent de
Vanessa Winship sur le même sujet.
Florence Lebert, Mer(s) noire(s).Non, ce qui me manque, au fil de ce parcours, c'est un peu d'équilibre, un souffle, une évidence ; mon coeur en a marre de faire le grand huit entre révolte provoc et poésie désuète. Mes attentes s'incarnent dans
Chalklines de
Stanley Greene. Découvrir son travail sur la
Tchétchénie il y a quelques années à la Galerie Vu avait été un véritable choc. Et ce même sentiment m'envahit devant
Chalklines, reportage constitué durant plusieurs années passées à tenter de retranscrire la complexité de la situation au Caucase. Un enjeu financier simple, le contrôle du pétrole, pour une onde de choc dont on ne mesure que difficilement les effets sur les territoires et leurs populations. Greene, étranger si familier de cette région, en rend compte avec un humanisme et une lucidité déchirantes.
Stanley Greene, Chalklines.
Stanley Greene, Chalklines.
Stanley Greene, Chalklines.
Transphotographiques 2009,
plusieurs lieux d'exposition à Lille,
jusqu'au 12 juillet 2009.
Entrée gratuite.P.S. A venir, encore plus de festival et de photographie puisqu'à l'heure où je poste cette note, je me trouve aux
40èmes Rencontres d'Arles. La suite en images dès lundi (quand j'aurai remis la main sur le câble de transfert de mon Canon...) !