lundi 26 janvier 2009

Calendrier des expos parisiennes - hiver / printemps 2009



Ca nous est tous déjà arrivé : les expos sont programmées pour durer plusieurs mois, mais on arrive toujours à rater une de celles qu'on avait repérées ! Les agendas culturels sont nombreux mais souvent incomplets et jamais pratiques. J'ai eu beau fouiller le net de fond en comble, je ne suis jamais tombée sur un site qui propose un calendrier visuel des expositions en cours et à venir.

Alors je vous ai concocté le mien. J'ai utilisé pour ça le site xtimeline qui permet de fabriquer soi-même des chronologies et surtout de les partager avec les autres. Voilà le résultat. La chrono défile en faisant glisser le curseur vert qui se trouve en bas. En cliquant sur chaque expo vous accédez à ses dates et à un lien vers le site de l'institution qui l'accueille.

La chrono ne concerne malheureusement que les expos parisiennes, la tache était sinon beaucoup trop vaste ! Je ne suis pas non plus totalement satisfaite du résultat parce que les durées ne sont pas visibles sur la frise. Je suis donc toujours à la recherche d'un système simple et pratique pour créer le futur agenda des expos de l'été. Si vous avez ça sous le coude, je suis tout ouïe !

mardi 20 janvier 2009

Erich Salomon – le roi des indiscrets – 1928-1938

1. Erich Salomon, autoportrait au restaurant, à bord du Mauretania, vers 1929.

Non, je ne fais pas une fixation sur les régimes fasciste et nazi et je n’entretiens aucune passion particulière pour les dictateurs. Non en vrai, le but de la série de photos postées la semaine passée était de jeter un coup d’oeil du côté du photo-journalisme de l’entre-deux-guerres, en Europe en particulier, puisque je m’intéresse aujourd’hui au cas d’Erich Salomon. Photographe allemand actif de 1928 à 1938, il est considéré comme l’un des pères du reportage photographique moderne, et c’est à ce titre que le Jeu de Paume sur son site de l’Hôtel de Sully lui consacre une éclairante rétrospective.


2. Erich Salomon, Vers 4h du matin, peu de temps après l'installation de la ligne téléphonique transatlantique, Marlene Dietrich téléphone depuis Hollywood à sa fille restée à Berlin, 1930.


Mais avant d’entrer dans le vif du sujet je voudrais consacrer quelques lignes à un point qui me semble particulièrement important quand on aborde le thème de la photographie de reportage, à savoir ce que j’appellerai « la chaîne des intentions ». Je m’explique. Quand le photographe décide de pointer son objectif et de d’appuyer sur le déclencheur, il opère déjà une série de choix, qu’ils aient trait au sujet lui-même ou qu’ils soient d’ordre technique (réglages de l’appareil) et formel (cadrage, angle de vue etc.). Quand la pellicule est développée et la planche-contact tirée, vient le choix des clichés jugés les meilleurs. Lors du tirage on peut également décider d’intervenir sur un bon nombre de paramètres allant du simple recadrage au photo-montage le plus abouti.

Voilà, vous avez déjà là un petit aperçu de la chaîne des intentions présidant à la production d’une image photographique. A cela il faut ajouter, dans le cas du reportage photo, la série de choix qui sont opérés lors de la diffusion par la presse de ces images. Si les recadrages et les montages constituent les manipulations les plus évidentes, ne sous-estimons pas l’efficacité des mises-en-page et leur pouvoir de suggestion. Et que serait l’image sans sa légende ? Voit-on le même Goebbels si j’ajoute à la légende de ce cliché, pris lors de la 15ème session de la Société des Nations, que c’est à cette occasion que l’Allemagne la quitte ? Que penserait-on des deux enfants sur ce cliché de Margaret Bourke-White s’il n’était précisé qu’il s’agit de jeunes nazis ? Est-ce d’ailleurs ce même sentiment qui a étreint le lecteur de Life en 1938 à la vue de cette photo ou ne projetons-nous pas sur cette image, à notre tour, une intention toute autre, forgée par l’Histoire ?

Je ne peux m’empêcher de conclure cette réflexion par une citation : « Les photographies ne sont pas des images vraies, fausses, symboliques ou naturelles ; elles sont le résultat précis d’opérations techniques dont les circonstances sont historiques et les motivations humaines.»*


3. Erich Salomon, Dans l'antichambre de la séance nocturne décisive de la conférence de la Haye, 1929.

Ce qui nous amène, si l’on veut bien saisir dans quel contexte opère Erich Salomon, à examiner d’un peu plus près l’histoire du photo-journalisme et à dresser un bref état des lieux. Jusqu’aux années 1920, la presse illustrée, qui avait connu un immense essor depuis le milieu du XIXème siècle s’appuyait essentiellement, pour des raisons techniques, sur la gravure. La photographie est en premier lieu intégrée aux journaux sous forme de reproductions gravées à la main. Elle s’y fait progressivement une place plus importante à partir des années 1880 avec le développement de la similigravure, puis de l’offset en 1910.

Du côté des photographes, l’actualité, qu’elle soit sociale ou politique, a toujours constitué un pôle d’intérêt. Des premiers conflits photographiés, comme la Guerre de Crimée (1853-1856) couverte par Roger Fenton, James Robertson et Felice Beato, entre autres, à la misère des quartiers populaires retranscrite par Jacob Riis dans les années 1880-1890, et au travail des enfants dénoncé par Lewis Hine (autour de 1905), les images existent, mais ne peuvent encore être exploitées à plein par la presse.

Dans les années 1920, tous les facteurs sont réunis pour que la photographie connaisse un immense développement médiatique qui ne fait que s’amplifier dans les décennies suivantes. De petits appareils instantanés, maniables, permettant de shooter en série voient le jour, tels l’Ermanox (1924) et le mythique Leica (1925). La presse - magazines, hebdomadaires et quotidiens réunis - est en demande croissante d’images et commande de plus en plus de reportages. Les premières agences de photographes se forment, telle Dephot à Berlin en 1928.


4. Erich Salomon, Chamberlain et Heriot à la 2ème conférence de La Haye, 1930.


Erich Salomon a 42 ans quand il est engagé en 1928 par les éditions Ullstein et entame sa fulgurante carrière de photo-journaliste. Docteur en droit issu d’une famille de banquiers, rien ne le prédisposait au métier de photographe qu’il aborde en autodidacte. Equipé de son Ermanox, ses bonne manières et son élégance (on le surnomme le «photographe au smoking») lui ouvrent les portes de lieux jusqu’alors demeurés «inédits» tels les salles d’audience et les réunions politiques. Très vite, il met au point divers stratagèmes lui permettant de dissimuler son appareil – sous son chapeau, entre deux bouquets de fleurs avant un meeting... - et de parvenir à photographier sans être vu. Pour Salomon, le cliché est réussi lorsqu’il est parvenu à faire oublier sa présence et que personne ne regarde l’objectif.


5. Erich Salomon, Aristide Briand montre du doigt Erich Salomon et s'écrit : "Ah ! Le voilà, le roi des indiscrets !", Paris, Quai d'Orsay, août 1931.


Paradoxalement, son cliché le plus célèbre ne correspond pas à ces critères puisque cet instantané pris dans les salons du quai d’Orsay nous montre un Arstide Briand surpris au cours d’une conversation et se retournant sur le photographe qu’il a reconnu, le pointant du doigt. Au moment où Salomon appuie sur le déclencheur, il est démasqué et Briand s’écrit à son sujet : «Ah ! Le voilà, le roi des indiscrets !». Le mot associé à l’image est resté célèbre et si vous visitez l’expo vous aurez l’occasion de voir un cliché demeuré quant à lui beaucoup plus confidentiel, montrant l’instant précédent la surprise de Briand, alors qu’il est dos au photographe. Les deux clichés présentés côte-à-côte forment une sorte de diptyque qui rassemble tout ce qui fait la signature de Salomon que l’on considère aujourd’hui comme l’un des premiers photographes à mettre sur pied la «méthode paparazzi». N’oublions pas que si les codes de la photo volée nous sont aujourd’hui plus que familiers, et si notre oeil est habitué à les identifier, ce type d’image est extrêmement nouveau à l’époque. Pour la première fois le regard du spectateur pénètre au sein des sphères du pouvoir, du cinéma, de la littérature, et approche ceux qui, sous l’effet de leur médiatisation, sont en train de devenir des personnages publics.


6. Erich Salomon, Procès du Ringverein Immertreu, maître Erich Frey interroge un témoin, 1929.


Même si certains de ses clichés (notamment ceux de procès) lui ont valu quelques démêlés avec la justice, Salomon n’en cultive pas moins une conscience aigüe de l’éthique liée à son métier, de l’impact potentiel de ses clichés et des enjeux qui en découlent. Il sait mesurer l’importance de l’assentiment des personnes qu’il photographie et en jouer. Ainsi découvre-t-on à la fin du parcours de l’exposition une série de clichés surprenants mis en scène par Salomon, où diverses personnalités se voient confrontées aux photos que Salomon a prises à leur insu. Une mise en abyme qui a de quoi faire réfléchir.


7. Erich Salomon, Procès Krantz, Hilde Scheller dans le box des témoins, Berlin, février 1928


8. Erich Salomon, Audience à la cour suprême d'Angleterre, 1929.


9. Erich Salomon, Audience à la cour suprême d'Angleterre, 1929.


10. Erich Salomon, Conférence de la Haye, 1930.



11. Erich Salomon, Katharina von Kardorff-Oheimb et Ada Schmidt-Beil discutent au cours d'une soirée, Berlin, 1930.


12. Erich Salomon, Lors d'une réception à l'ambassade des Pays-Bas de Londres, 1937.


13. Erich Salomon, Lady Churchill et Lady Broughton à l'ambassade d'Autriche, Londres, 1937.



*Michel Frizot et Cédric de Veigy, Photographie(r), documentation photographique n° 8021, juin 2001, La Documentation Française.



Exposition Erich Salomon – le roi des indiscrets – 1928-1938
Jusqu’au 25 janvier
Hôtel de Sully, 62 rue Saint-Antoine, Paris 4ème

Du mardi au vendredi de 12h à 19h
Les samedis et dimanches de 10h à 19h
(fermé le lundi)

Plein tarif : 5 euros
Tarif réduit : 2,50 euros

vendredi 16 janvier 2009

Photo du jour



Felix H. Man, Mussolini donnant ses ordres à Teruzzi, commandant de la milice fasciste, 1931, Metropolitan Museum, New York.

jeudi 15 janvier 2009

Photo du jour



Alfred Eisenstaedt, Le Dr. Joseph Goebbels à la 15ème session de la Société des Nations, Genève, 1933.

mercredi 14 janvier 2009

Photo du jour



Adolfo Porry-Pastorel, Benito Mussolini à la Villa Torlonia posant pour le peintre américain Grossmann, vers 1930, archives photographiques de la Gazzetta del Popolo, Turin.

lundi 12 janvier 2009

Seventies - le choc de la photographie américaine

(photo de l'auteur)


Si j’ai choisi de consacrer ces dernières semaines la photo du jour à Walker Evans, Robert Frank et Louis Faurer, ce n’est pas seulement parce que j’admire par dessus tout leur photographie, mais aussi parce que leurs figures tutélaires constituent un point de départ au parcours de l’exposition 70’s que propose actuellement la Bibliothèque Nationale de France dans sa galerie de photo.


Les codes de la photographie, qu’ils soient esthétiques ou qu’ils touchent au plus près à la nature même du médium, Evans et ses comparses les ont déjà bien bousculés au cours des années 40 et 50, affirmant une liberté de regard désormais débarrassée des derniers avatars de la photographie objectiviste d’avant-guerre. De la Neue Sachlichkeit et de la Straight Photography ils balaient les recherches graphiques confinant à l’abstraction, la rigueur extrême des compositions et l’esthétique très influencée par le Constructivisme. Plusieurs éléments trouvent cependant un prolongement et un approfondissement chez cette nouvelle génération de photographes qui use, à l’instar d’un Paul Strand, du snapshot (instantané) et porte un regard aiguisé sur la société de son temps.


Loins de rejeter cet héritage, les photographes américains des années 70 s’y adossent et poursuivent une exploration du réel et du médium avec plus de liberté encore. Liberté, je crois que c’est bien là le maître mot pour tenter d’approcher au plus près l’esprit des seventies et le parcours de l’exposition en rend compte à sa manière, mettant en exergue une diversité extrême de par le grand nombre de clichés et d’auteurs présentés, mais aussi par l’éclatement du contenu en une multiplicité de thématiques. Cette richesse ne nuit cependant en rien à la clarté du parcours, qui suit, de section en section, une progression particulièrement bien orchestrée entre observation du réel le plus trivial et onirisme déjanté.


Je laisse la place aux images puisque, comme le dit si bien Walker Evans "Pictures speak for themselves, visually, or they fail".


Portraits

1. Diane Arbus, Woman with accessories, N.Y.C., 1967


2. Mary Ellen Mark, Appalachian couple, 1977


3. Lee Friedlander, USA, California, 1970


Les rues

4. Charles Harbutt, Ellips, Washington D.C., 1971


5. Garry Winogrand, USA, California, Los Angeles, 1964


6. Garry Winogrand, USA, California, Los Angeles, 1969


7. William Klein, USA, New York, Amsterdam Avenue, 1954


8. Leonard Freed, USA, New York, Police work, 1975


9. Bruce Gilden, New York City, 1989


Les mondanités / Des gens ordinaires

10. Ken Ruth, Bartender, Sacramento, 1979


11. Charles Harbutt, Mannequin fashion night club, 1970


12. Ken Graves, Two business men, 1969


"A lot of people say we're chunks of meat, like cattle, but we're not. We're all individuals with dreams and aspirations like everybody else. Being a beauty contestant has taught me about myself, other people, poise and public speaking. If I had to do so."

13. Bill Owens, Our kind of people, 1975.


Les marges

14. Larry Clark, Tulsa, 1971


Géométrie / Espace

15. Charles Harbutt, New York, Park Avenue, Corporate buildings, 1970


Nature

16. Paul Caponigro, Redding Woods, Connecticut, 1968


Matière / Forme

17. Ray K. Metzker, USA, Philadelphia, 1968


18. Ralph Gibson, Sans titre, 1984


Le Miroir Obscur

19. Les Krims, A rake's revisionist regress, 1980


20. Joel Peter Witkin, The wife of Cain, 1981


22. Ken Ruth, Davenport, California, USA, 1980


23. Ralph Eugene Meatyard, Romance from Ambrose Bierce #3, 1962


L’expo, et c’est là un de ses grands mérites, prend donc la forme d’un prisme aux facettes multiples que chacun abordera selon sa sensibilité propre. Le panorama présenté, s’il n’est pas exhaustif, se veut aussi l’écho de l’engagement et des choix des conservateurs du cabinet de photo de la BNF dans l’enrichissement de la collection. L’expo rend ainsi une forme d’hommage à Jean-Claude Lemagny, qui, de 1968 à 1996 a oeuvré à la constitution du fonds, menant une politique d’acquisition dont l’exposition permet aujourd’hui de mesurer l’importance et la justesse.



Seventies - le choc de la photographie américaine

Jusqu’au 25 janvier

Bibliothèque Nationale de France – Site Richelieu

58 rue de Richelieu, Paris 2ème

Mardi-samedi de 10h à 19h, dimanche de 12h à 19h
Fermé lundi et jours fériés

Tarif plein 7 euros
Tarif réduit 5 euros

jeudi 1 janvier 2009