mercredi 31 décembre 2008

mardi 23 décembre 2008

vendredi 19 décembre 2008

vendredi 5 décembre 2008

Walker Evans / Henri Cartier-Bresson – Photographier l’Amérique (1929-1947)



C’est une confrontation entre deux géants de la photographie du XXème siècle que propose cet automne la Fondation Henri Cartier-Bresson.

Les regards croisés de l’américain Walker Evans et du français Henri Cartier-Bresson nous plongent au coeur de l’Amérique des années 30 et 40. Constituée principalement à partir de prêts du Getty et du MoMA, la sélection de clichés d’Evans couvre les premières années de la carrière du photographe, qui débute son activité dans le difficile contexte de crise de 1929. Le système boursier, en s’effondrant, provoque un vacillement de la nation dans son ensemble et le cataclysme de la Grande Dépression se répercute au premier chef sur la population. Evans en est l’un des témoins, retranscrivant sa vision de l’Amérique dans des clichés qui sont aujourd’hui considérés comme des jalons essentiels de l’histoire de la photographie. De ses deux ouvrages majeurs, Let Us Now Praise Famous Men paru en 1936 et American Photographs publié en 1938, est issue une bonne partie des clichés de l’exposition.


1. Walker Evans, Girl in Fulton Street, New-York, 1929.


2. Walker Evans, Graveyard houses and steel mill, Bethlehem, Pennsylvania, 1935.


3. Walker Evans, Hudson street boarding house, New-York, 1931.

La sélection de clichés de Cartier-Bresson, postérieure d’une dizaine d’années, est quant à elle issue des collections de la Fondation et comporte une part d’inédits. Tout comme Evans a hésité à ses débuts à embrasser une carrière d’écrivain ou de peintre avant de se tourner vers la photographie, Henri Cartier-Bresson a multiplié les trajectoires artistiques, s’essayant également à la peinture et menant plusieurs incursions dans le domaine du cinéma. C’est vers la photographie qui’il se tourne à nouveau – et il ne la délaissera plus jamais - lorsqu’il parcourt le territoire américain entre 1946 et 1947 en préparation d’une exposition pour le MoMA. Le français doit d’ailleurs beaucoup aux Etats-Unis puisque le galeriste new-yorkais Julien Levy est le premier à l’exposer dès 1933 alors que Cartier-Bresson débute à peine sa carrière, puis en 1935 lors de la fameuse exposition Documentary and antigraphic photographs, qui constitue la première confrontation des travaux d’Evans et de Cartier-Bresson. Les deux photographes se rencontrent à cette occasion et nourissent dès lors une admiration profonde et réciproque.

4. Henri Cartier-Bresson, Taos, New Mexico, 1947.


5. Henri Cartier-Bresson, Chicago, Illinois, 1947.


6. Henri Cartier-Bresson, New-York, Manhattan, Fulton street, Fish market, 1947.


La logique de l’exposition pousse bien évidemment à la comparaison, mais l’accrochage ne favorise heureusement pas uniquement les parallèles ou les contrastes trop évidents. C’est bien plus à un dialogue qu’invite le parcours, au travers des regards croisés des photographes, mais plus encore au sein même du corpus de clichés de chacun d’eux. Chez Cartier-Bresson, si l’on perçoit au premier abord l’éblouissement immédiat qu’un étranger peut ressentir en posant le pied aux Etats-Unis, le regard de ce géomètre de l’image se remet vite à l’oeuvre, mais toujours au service de l’humain, son sujet de prédilection. Et si Evans porte sur l’Amérique qui l’a vue naître un regard distancié confinant parfois au cynisme, entretenant une fascination certaine pour le délabrement et la déchéance, sa photographie est aussi empreinte d’une puissante poésie du réel. Evans par moment, c’est Faulkner mis en image. Alors peut-être est-ce aussi parce que la lecture de Sanctuaire est encore fraiche dans ma mémoire que cet écho m’a paru frappant. Mais Evans était lui aussi pénétré de cette littérature. Et l’écriture elliptique de Faulkner, si propre à enclencher dans l’imaginaire une construction mentale des lieux et des personnages, a parfois un si grande puissance évocatrice qu’en regardant certains clichés d’Evans on se sent en un lieu familier, qui nous est inconnu mais auquel on a déjà rêvé.

Envoutée par Evans, j’avoue m’être un peu moins attardée devant les clichés de Cartier-Bresson, mais l’exposition propose un bel équilibre, une complémentarité de vision qui s’exprime sous une multiplicité de formes. Cette diversité permet à chacun d’aborder le corpus d’oeuvre selon sa sensibilité propre et c’est là l’un des plus grands mérites de l’expo.



Walker Evans / Henri Cartier-Bresson – Photographier l’Amérique (1929-1947)
Jusqu’au 21 décembre
Fondation Henri Cartier-Bresson
2 impasse Lebouis, 75014.