mardi 20 mai 2008

Marcel Duchamp et John Cage

Au hasard d'une recherche sur le compositeur John Cage, je suis tombée sur cette vidéo des Disques de Marcel Duchamp dont Cage a réalisé la musique.

Je me suis laissée hypnotiser par ces rêveries surréalistes, et puis j'ai pensé que vous la montrer serait aussi une jolie introduction au prochain billet que je prépare, qui concerne Les Mains Libres, un recueil de poèmes d'Eluard accompagné de dessins de Man Ray.

samedi 17 mai 2008

Nuit des musées 2008



C'est ce soir !

Premier bon point : pouvoir entrer gratos dans les musées et dans certaines expos comme Marie-Antoinette au Grand Palais (sinon c'est 10 euros... no comment). En plus de ça, il y a pas mal d'animations qui ont été conçues spécialement pour la Nuit. Pour le programme, région par région, c'est sur ce site que ça se passe.

Je vais peut-être me laisser tenter par la visite guidée sur le thème de l'orientalisme au musée d'Orsay, ou encore, si la météo le permet (et c'est pas gagné), suivre la ballade à la lampe de poche dans le jardin de l'hôtel Biron qui abrite le musée Rodin. Parce que c'est cool aussi de découvrir tous ces lieux de nuit, les architectures et les oeuvres prennent vraiment une dimension très différente. C'est une expérience à part la nocturne !

D'ailleurs, en parlant d'expérience unique, je suis allée hier découvrir la Promenade de Richard Serra installée sous la nef du Grand Palais à l'occasion de Monumenta 2008, et j'en ai rapporté une série de photos. Je vous les ferai partager très prochainement.

lundi 12 mai 2008

La photo de la semaine




Photo de l'auteur.

Vlaminck, un instinct fauve

C’est au musée du Luxembourg que je vous emmène cette fois, pour un petit tour de l’expo Vlaminck qui s’y tient en ce moment à l’occasion du cinquantenaire de la mort du peintre. Echaudée par ma récente visite de l’expo Man Ray à la Pinacothèque, je suis d’autant plus sur mes gardes que la programmation du Sénat est connue pour ses expo-spectacles qui en mettent plein la vue et attirent les foules (Botticelli, Arcimboldo, entre autres).


Effectivement, une longue file d’attente nous accueille, et une fois à l’intérieur, c’est bondé. On est jeudi aprem pourtant, mais je me souviens maintenant que quel que soit le jour ou l’heure, j’ai toujours connu ce musée rempli à ras-bord. Victime de son succès (pas toujours mérité).


L’espace d’expo est très limité, donc ne vous attendez pas à une grande rétrospective, il n’y a tout simplement pas la place. La commissaire de l’expo (Maïthé Vallès-Bled, directrice du Musée de Lodève et spécialiste de Vlaminck) a donc choisi de concentrer le propos sur la période de création la plus intense de l’artiste : de ses débuts autour de 1900 à 1915. Soit 15 années de création fulgurante qui reflètent les diverses facettes du bouillonnement artistique de ce début de siècle.


La peinture, Vlaminck la pratique en autodidacte dès les années 1890. Mais sa vocation ne s’affirme que lorsqu’il rencontre André Derain, avec qui il entretient une longue relation d’amitié. Ensemble, ils louent un atelier à Chatou, peignent et partagent leur expérience. En 1901, ils visitent l’expo rétrospective consacrée à Van Gogh, disparu 11 ans plus tôt, et c’est une véritable révélation pour les deux artistes. La peinture de Vlaminck dans ces années évolue rapidement, et les influences se succèdent au travers de ses toiles des années 1900-1905. Personnellement, je retiens surtout l’influence de Toulouse-Lautrec dans le choix de thèmes de cabaret et de bordel, et le lien avec l’expressionnisme dans le traitement abrupt et le coloris très franc, aux frontières de la laideur.




1. Vlaminck, Le Bar, 1900, Musée Calvet, Avignon

2. Vlaminck, La Fille du Rat Mort, 1905, Kunststiftung Merzbacher

3. Van Dongen, Femme Lippue, 1906-1909 ?, Musée d'Art Moderne Lille métropole

4. Kirchner, Jeune Fille à l'ombrelle japonaise, 1909, K20 Düsseldorf

5. Toulouse-Lautrec, La Goulue arrivant au Moulin Rouge, 1892, MoMA New York

6. Toulouse-Lautrec, Femme tirant son bas, vers 1894, Musée d'Orsay, Paris




Toutes ces influences nourrissent la peinture omnivore de Vlaminck qui les passe au tamis de sa sensibilité pour en offrir une synthèse inédite. De l’impressionnisme découlent d’une part sa prédilection pour les paysages du bassin parisien, d’autre part un traitement par touches juxtaposées, notamment dans le rendu des ciels et des étendues d’eaux. Il assimile les apports post-impressionnistes de Van Gogh et de Gauguin dont il retient l’usage du cerne, de l’aplat, et la touche pâteuse, vibrante et brillante. C’est d’ailleurs une des choses qui frappe lorsque l’on visite l’expo et que l’on a jamais approché de près les oeuvres de Vlaminck : elles ont une vraie matière, une réelle consistance plastique.


Chez Gauguin toujours et les Nabis en particulier, il puise cette liberté dans l’usage de la couleur qui confine à l’abstraction, et qu’il va pousser dans ses derniers retranchements, jusqu’à parvenir à un colorisme extrême, à ce rougeoiement pur et fulgurant qui imprime la rétine. Ces toiles des années 1904-1907 forment à proprement parler la période fauve de Vlaminck. Le terme de fauvisme est d’ailleurs forgé en 1905 lorsque le critique d’art Louis Vauxcelles, suite à sa visite au Salon d’Automne, écrit dans Gil Blas à propos d’un buste d’enfant placé au centre de la salle VII, entouré de toiles de Camoin, Derain, Manguin, Marquet, Matisse et Vlaminck, que c’est «Donatello chez les fauves».



7. Vlaminck, Paysage d'automne, 1905, MoMA New York

8. Vlaminck, Les Péniches à Chatou, 1905, Museum of Fine Arts, Houston

9. Vlaminck, Le Verger, 1905, coll. part.




Mais Vlaminck ne s’arrête pas là. Au travers de ses natures mortes notamment, on sent bien que le peintre est en quête d’autre chose, qu’un travail sur la composition, la troisième dimension et la perspective s’enclenche. Rétrospectivement, il écrit à propos de ses années fauves : «Le jeu de la couleur pure, orchestration outrancière dans laquelle je m’étais jeté à corps perdu ne me contentait plus. Je souffrais de ne pouvoir frapper plus fort, d’être arrivé au maximum d’intensité, limité que je demeurais par le bleu ou le rouge du marchand de couleur» (Tournant Dangereux, 1929).


Au risque de renier son oeuvre passé, Vlaminck s’oriente dès 1908 vers un cubisme qui doit beaucoup à Cézanne. Ce tournant dangereux, comme il le qualifie lui-même, s’opère peut-être également au contact de la statuaire africaine qu’il commence à collectionner - on sait l’influence décisive qu’elle a pu avoir sur Picasso et ses Demoiselles d’Avignon -. La palette de Vlaminck se restreint considérablement et s’assombrit au profit de recherches sur le modelé et la spatialité. Les dernières toiles de l’exposition, datant de 1915, sont très clairement cézaniennes et montrent à quel point le peintre s’est détourné du fauvisme de ses débuts.




10. Vlaminck, Vins et Liqueurs, 1910, coll. part., courtesy Duhamel Fine Art


Comment l’oeuvre du peintre évolue-t-elle par la suite ? Aucune piste n’est donnée par l’exposition qui se clôture de manière très abrupte. On attend donc avec impatience une rétrospective plus complète sur Vlaminck, qui ferait notamment une place plus importante à ses écrits qui constituent une partie cruciale de son oeuvre et apportent un éclairage essentiel sur sa peinture.



Vlaminck, un instinct fauve

Musée du Luxembourg

du 20 février au 20 juillet 2008



Toutes images © ADAGP